édito du 15 janvier 2023
LE PÈRE MICHEL LAFON, PRÊTRE DU DIOCÈSE DE BORDEAUX AYANT VÉCU AU MAROC SUR LES TRACES DE ST CHARLES DE FOUCAULT NOUS A QUITTE.
Une exposition sur la vie religieuse dans le diocèse circule dans nos secteurs. Actuellement à l’église de Bourg elle va être visible dans nos églises au fur et à mesure. Un témoin de cette vie religieuse le Père Michel LAFON s’est endormi dans la paix du Seigneur le 6 janvier 2023 en sa 101ème année.
Le P. Michel Lafon a demandé à Mgr Maziers que le petit séminaire lors de sa transformation en centre des vocations soit appelé Albert Peyriguère, autre prêtre du diocèse qui réalisa le rêve de St Charles de vivre en ermite au Maroc. Le P. Beck, responsable du service des vocations à ce moment, l’a bien connu et recommande la lecture de ses livres.
Né à Bordeaux le 6 février 1922, sa famille part vivre dans le Pas-de-Calais où son père travaille comme mineur. Ordonné prêtre pour le diocèse d'Arras en juin 1946, il devient prêtre en Monde Ouvrier (JOC, ACO) puis professeur au Grand Séminaire. En 1958 il part rejoindre le Père Peyriguère, un des premiers disciples du Père de Foucauld, à Elk Kbab (Moyen-Atlas, Maroc). Il y restera 41 ans prolongeant son œuvre de compréhension et d’amitié entre chrétiens et musulmans. Depuis 1999, il résidait à MA MAISON de Bordeaux chez les Petites Sœurs des Pauvres où ses obsèques ont été célébrées le 10 janvier.
Extrait de l’Homélie prononcée par le Père Gérard Faure lors de ses obsèques : « En frappant un coup sec de sa main sur la table autour de laquelle nous sommes assis pour l’écouter, le P. Lafon proclame : « Même quand je suis seul, ma chapelle est pleine ! » Il cite ainsi le P. Albert Peyriguère auquel il a succédé. J’ai retrouvé quelques notes de la retraite que Michel nous avait prêchée à El Kbab, en novembre 1999, la dernière qu’il ait prêchée en ces lieux où il a vécu près de 50 ans et où nous étions allés le chercher, Francis Beck, Jean-Louis Despeaux et moi-même, trois prêtres du diocèse qu’il s’apprêtait donc à rejoindre. Impossible de s’endormir tant les coups du plat de la main sur la table ponctuent son propos, ce jour-là sur l’Eucharistie. C’est la messe du Royaume, ce n’est jamais une petite messe comme certains disent montrant ainsi qu’ils ne savent pas de quoi ils parlent. Les baptisés sont consacrés à être les prêtres des autres, poursuit-il. De leur travail, leur quartier, leurs amitiés … par notre baptême et sa confirmation nous sommes à l’autel les porte-paroles de tous ceux avec qui nous sommes liés, dans nos milieux stables ou même transitoires comme quand je descends de l’autobus avant d’aller célébrer l’Eucharistie, je suis prêtre de tous. « Je suis foule » disait l’abbé Couturier. Mes voisins, celui qui a cuit le pain, mes amis, mes ennemis si j’en ai, l’auteur du livre que je lis, … tout est en Christ ! Tout est en Christ mais se déroule à travers le temps et l’espace. Et nous voulons être unis à Dieu aussi étroitement que le pain s’unit à notre corps quand nous le mangeons. Il s’agit de devenir amis des hommes de ce temps et de ce monde. Charles de Foucauld, si j’ai bien compris, veut cette amitié pour plusieurs raisons : Parce que témoigner de l’amitié, témoigner de l’amour aux autres c’est témoigner de la bonté et de la miséricorde de Dieu afin qu’un jour l’autre, l’ami, puisse dire : « si cet homme est aimable à cause de son Dieu, ou plutôt grâce à lui, c’est que son Dieu doit-être aimable ! » Mais aussi, il s’agit d’être ami des autres, d’être celui qui aime l’autre parce que c’est en aimant l’autre que j’aime Dieu. Pas d’un amour qui serait simplement, même si ce n’est déjà pas si mal, simple philanthropie, mais d’un amour agapé, tel qu’il vient du Seigneur Jésus, le frère universel qui nous met dans la grâce du Père de l’humanité, notre Père. Michel, en venant à El Kbab à la suite du P. Albert Peyriguère qui avait lui-même voulu faire ce que le P. Charles de Foucauld n’a jamais pu faire au Maroc, mais qu’l a fait dans le sud Algérien, Michel n’a jamais voulu s’isoler. Il a voulu être avec, être parmi. Le drame de Charles de Foucauld, tant qu’il n’a pas vécu dans sa chair que ce n’était pas seulement les autres qui avaient besoin de lui mais lui qui avait besoin des autres, a été la période où il s’est cru isolé alors qu’il voulait être avec ; et quand en fait il a concrètement vécu présent au milieu des autres habitants de ce village qu’était alors Tamanghasset, quand il a été accepté par ceux qu’il cherchait à aimer, par ceux qu’il aimait, ça a été pour donner sa vie au quotidien pour servir, pour aimer en servant et en priant au milieu d’eux dans un face à face qui le faisait passer de la contemplation de Jésus Eucharistie à Jésus présent dans le pauvre, le proche, le prochain de l’évangile, celui pour qui on s’arrête pour le servir."