Qui était Paul VI ?

Élu pape pour succéder à Jean XXIII qui venait d’ouvrir le concile Vatican II, Jean-Baptiste Montini sera béatifié le 19 octobre prochain, jour de la clôture du synode extraordinaire sur la famille.

Qui était Paul VI ? Eléments biographiques

"Giovanni Battista Montini fut le 262e pape de l’Eglise catholique romaine. Il règne sous le nom de Paul VI du 21 juin 1963 au 6 août 1978. Né à Concensio, près de Brescia le 26 septembre 1897, il fait partie de la grande bourgeoisie italienne. Après des études brillantes chez les jésuites, il entre au séminaire et poursuit ses études malgré une santé fragile. Ordonné prêtre en 1920, il rejoint Rome pour étudier à la Grégorienne et à la Sapienza.

Dès 1921 il fait ses premiers pas au Vatican (...). Montini se lie d’amitié avec les grandes personnalités intellectuelles du temps : Jean Guitton, Maurice Zundel, Jacques Maritain… Par ailleurs il affiche des positions anti-fascistes au moment de la signature des accords du Latran. Au moment de la guerre, Montini condamne nazisme et fascisme et protège les juifs et les réfugiés. Après-guerre, il fait preuve d’audace en politique intérieure italienne comme au niveau de l’Eglise. Pie XII (...) le fait archevêque de Milan.

A la mort de Pie XII, Jean XXIII est élu pape. Il crée aussitôt Montini cardinal et ouvre le concile Vatican II. (...) Il est élu pape le 21 juin 1963. (...)

Pendant et après le Concile, Paul VI multiplie des voyages à grande portée symbolique et pastorale. Il se rend en pèlerinage à Jérusalem où il rencontre de nombreuses personnalités dont le patriarche Athénagoras qu’il verra à plusieurs reprises. Aux Etats-Unis, il prononce à l’ONU son fameux « plus jamais la guerre ». En Amérique latine, il encourage l’Eglise à prendre position en faveur des plus pauvres. Son encylique "Populorum progressio" paraît à ce moment.

Enfin, dans le domaine interreligieux, Paul VI noue des contacts avec des responsables comme le Dalai Lama et d’autres personnalités du monde bouddhiste et musulman. Il écrit l’encyclique "Humanae vitae" en 1968. En 1969 il se rend au Conseil œcuménique des Eglises, en Suisse. Enfin il écrit l’exhortation apostolique "evangelii nuntiandi" (...). Il s’éteint à l’âge de 80 ans, le 6 août 1978."

Jean-Pierre Rosa, avril 2013

 

Brescia

Duomo Brescia

 

Le cardinal Roger Etchegaray brosse le portrait du pape Paul VI

"Il me revient, en demi d’ouverture, d’esquisser le portrait du pape Montini, Paul VI, qui sera béatifié au mois d’octobre prochain. Conscient de ne pouvoir réduire à quelques traits une figure aussi chatoyante, je dirai simplement qu’il était comme rongé par la hantise de porter la Bonne Nouvelle du Sauveur aux peuplades les plus minoritaires et aux cultures les plus éloignées. Il a été le premier pape à prendre l’avion pour des voyages internationaux (9 à son compte). Pape moderne en ce sens qu’il a osé regarder le monde en lui-même, non plus seulement à partir de l’Eglise mais comme le monde se voit lui-même, avec ses audaces, ses risques et ses chances.

Jean Guitton a révélé que, consulté par Paul VI dès son élection, il lui avait suggéré une encyclique sur la « Vérité ». Mais ce thème ne convint pas au pape ; il préféra celui du « Dialogue » et publia le 6 août 1964 sa première encyclique « Ecclesiam Suam », peut-être la plus actuelle encore 50 ans après. Paul VI y définit l’Eglise par deux pôles : « Une Eglise qui approfondit la conscience qu’elle a d’elle-même et une Eglise qui se donne au monde dans le dialogue. »

Dans une interview au grand quotidien Corriere della Sera, il explique : « Beaucoup s’interrogent sur le pourquoi du dialogue, parce qu’ils n’ont pas conscience du vrai problème. Quand j’étais archevêque à Milan, j’ai vu les archives du diocèse du temps de Saint Charles Borromée. Les problèmes étaient alors : l’achat d’un confessionnal, la réparation d’une église, la présence de trois ivrognes dans une paroisse, les agissements d’une sorcière. Aujourd’hui, la situation est tout à fait autre. Il s’agit de millions de personnes qui n’ont plus la foi en Dieu. D’où la nécessité pour l’Eglise de s’ouvrir. Nous devons approcher ceux qui ne croient plus et ceux qui n’ont plus confiance en nous. »

Mystique et prophète

Parmi les gestes concrets de Paul VI, je pense à sa visite au siège des Nations Unies. Un voyage éclair de 32 heures (il n’y avait pas encore de jet). On ne réalise pas ce tour de force qui lui permit de ne rester que 13 heures bien remplies à New York. J’étais dans la basilique Saint-Pierre quand le Pape, n’accusant apparemment aucune fatigue, fut accueilli avec un tonnerre d’applaudissements par les 2 000 évêques du Concile, émerveillés de ce marathon qui aurait épuisé bon nombre d’entre eux.

Je pense à ce paralytique du Trastevere, mon quartier romain, que le Pape prit un jour dans ses bras, en lui promettant qu’après la résurrection, il danserait avec lui devant le Seigneur. Je pense aussi à l’anneau de pacotille qu’il offrit aux Evêques, appel à une vie plus pauvre et signe de l’unité du collège épiscopal pour lequel il rétablit l’antique institution du Synode à saveur orientale. »

Sa béatification nous permettra de mieux découvrir ce mystique, ce prophète, ce pasteur dont je fus si proche. Enveloppé et comme cerné par une poussée contestataire d’impatiences ou de résistances autour de l’année 68, il a dû s’appliquer jour après jour, à tenir le cap du renouveau conciliaire et à prendre parfois des décisions exigeantes pas acceptées de tous. Sa sérénité intérieure ne transparaissait pas toujours sur son visage, mais toute son action en reflétait l’intensité. Qui connaît l’extraordinaire dialogue imprévu lors de la première rencontre de Paul VI avec le Patriarche Athénagoras à Jérusalem ? Ignorant que les micros étaient déjà branchés, juste avant l’échange des discours, des paroles furent enregistrées où ils se disaient l’un à l’autre : « Que pouvons-nous faire pour avancer ensemble ? »

Voici une nouvelle heure privilégiée d’écoute commune ! Que toutes nos Eglises se rassemblent, se condensent dans l’humilité de la même question. Nous serons sûrs alors d’accueillir au moins quelques brassées de réponse venant d’En-haut, de l’Esprit, avec cette parole de Paul VI à la fin du Concile : « Je ferme les yeux sur cette terre des hommes, douloureuse, dramatique, magnifique. »

Tout Paul VI est dans cette parole frémissante et joyeuse qui figure à la fin de son testament."

Cardinal Roger Etchegaray

Espelette, le 26 août 2014